Comptes bancaires utilisés à l’étranger : retour sur la notion de comptes ouverts, clos ou utilisés à l’étranger sous l’angle de la décision de la Cour de cassation du 21.06.2023

L’obligation fiscale, selon laquelle tout détenteur de comptes bancaires ou de contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger, doit annuellement le déclarer, est prévue aux articles 1649 A et 1649 AA du CGI.

L’article 1649 A prévoit à l’alinéa 2 que :

« Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. »

Cet article fait référence aux comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger.

Or et en l’espèce nous nous attarderons sur le terme « utilisés » qui se trouve au centre de notre questionnement fiscal. Que signifie un compte utilisé au regard de ces dispositions ? Convient-il de le déclarer ?

La réponse est apportée par une décision émanant du Conseil d’état :

« Eu égard à l'article 1649 A du CGI dont l'objet est d'obliger les contribuables à déclarer les comptes bancaires utilisés à l'étranger afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, un compte bancaire ne peut être regardé comme ayant été utilisé par un contribuable pour une année donnée que si ce dernier a, au cours de cette année, effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur le compte. Ne constituent pas de telles opérations, d'une part, des opérations de crédit qui se bornent à inscrire sur le compte les intérêts produits par les sommes déjà déposées au titre des années précédentes et, d'autre part, des opérations de débit correspondant au paiement des frais de gestion pour la tenue du compte. »
CE 10e-9e ch. 4-3-2019 n° 410492, min. c/ M. et Mme B.  

Ainsi, un compte bancaire inutilisé ou inactif est un compte qui n’enregistre pas de mouvements de fonds.

Il est mentionné dans la décision précitée que les opérations qui consistent simplement à inscrire sur le compte les intérêts produits par les sommes déposées sur le compte n’entrent pas dans cette définition.

Il est de même, à l’inverse, de celles qui consistent à inscrire au débit du compte, les charges afférentes aux frais de gestion du compte.

Cette analyse est confirmée par la Cour de cassation en 2021.

« Ne constituent pas des opérations caractérisant l'utilisation d'un compte à l'étranger, au sens de l'article 344 A de l'annexe III au CGI, d'une part, des opérations de crédit qui se

bornent à inscrire sur le compte les intérêts produits par les sommes déjà déposées au titre des années précédentes et, d'autre part, des opérations de débit correspondant au paiement des frais de gestion pour la tenue du compte.
En revanche, de fortes variations consécutives à des arbitrages entre les différents actifs démontrent l'utilisation effective des comptes. »

Cass. com. 14-4-2021 n° 19-23.230

Il ressort de ces décisions, une lecture claire de la définition d’un compte bancaire actif ou inactif.

En termes d’obligations déclaratives, la loi du 23 octobre 2018 (loi de lutte contre la fraude fiscale) marque un tournant en ce qu’elle étend l’obligation de déclaration aux comptes inactifs et dormants, c'est-à-dire à ceux sur lesquels aucune opération de crédit ou de débit n'a été effectuée pendant la période concernée.

Dès lors, schématiquement, deux périodes se dessinent :

  • Avant le 1er janvier 2019 : les titulaires de comptes bancaires détenus à l’étranger inactifs qui n’ont pas procédé à leur déclaration avant 2019, n’encourt pas l’amende, et ne sont pas soumis au délai de reprise de 10 ans.

  • A compter du 1er janvier 2019 : Les titulaires de comptes bancaires détenus à l’étranger inactifs, doivent les déclarer et sont soumis à un délai de reprise de 10 ans si le compte à un moment donné est supérieur à 50.000 €.

A cette distinction, s’ajoute le fait que lorsque cette obligation de déclarer un compte bancaire étranger n’a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, il résulte des articles 755 et L 23 C du livre des procédures fiscales, que l’administration fiscale peut demander au contribuable de justifier l’origine des fonds.

Ce dernier doit être en mesure d’apporter tous les justificatifs nécessaires à cette injonction.

Le cas échéant, les avoirs sont réputés constituer un patrimoine acquis à titre gratuit.

En clair, à défaut de justification, l’administration a la possibilité de taxer 60% le solde le plus élevé du compte bancaire.

C’est dans ce contexte précis qu’intervient la décision de la Cour de cassation en date du 21 juin 2023.

Les faits sont classiques, puisque nous nous trouvons face à un contribuable n’ayant pas déclaré deux comptes bancaires détenus en Suisse, pour les années 2005 à 2007.

Ainsi, le contribuable se défendait en arguant que les comptes bancaires litigieux n’avaient pas été utilisés, et que s’agissant de comptes inactifs, la procédure de justifications et d taxation précitées étaient inapplicables.

Le lien établi entre la notion de « compte bancaire utilisé » et cette obligation de justification des avoirs qui y sont détenus et qui pèse sur le contribuable, est subtilement rappelé par cette décision de la Cour de cassation.

Elle rappelle que :

Si l’administration ne caractérise pas l’utilisation du compte bancaire étranger, elle ne peut mettre en œuvre la procédure de justifications prévue à l’article L 23 C du livre des procédures fiscales, ni appliquer la taxation de 60%. Etant précisé, que les faits de l’affaire se situaient avant l’intervention de la loi du 23 octobre 2018, loi de lutte contre la fraude fiscale.

Dès lors, et s’agissant de la période antérieure au 1er janvier 2019, l’administration fiscale a l’obligation de démontrer, lorsqu’elle souhaite mettre en œuvre la procédure prévue à l’article L 23 C d livre des procédures fiscales que les comptes ont été utilisés, et qu’ils ne sont pas de simples comptes inactifs ou dormants.

Le cabinet reste à votre disposition pour tout renseignement.