Guide : ESFP - Examen contradictoire de la situation fiscale personnelle – Les droits des contribuables
L’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) est l’une des formes les plus poussées du contrôle fiscal des particuliers. Centrée sur l’impôt sur le revenu, cette procédure peut néanmoins emporter des conséquences significatives sur la situation professionnelle, patrimoniale et, dans certains cas, pénale du contribuable.
Avocat fiscaliste à Paris (8ᵉ arrondissement), j’assiste les contribuables à chaque étape de l’ESFP : dès la réception de l’avis, dans les échanges avec le vérificateur, dans la réponse aux demandes de justifications, puis, le cas échéant, lors de la contestation des rectifications et du contentieux fiscal.
1. L’ESFP – Qu’est-ce que c’est ?
L’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle est régi par l’article L. 12 du Livre des procédures fiscales (LPF).
Il s’agit d’une procédure de contrôle spécifiquement applicable aux personnes physiques, destinée à vérifier la sincérité et l’exactitude de la déclaration d’ensemble des revenus.
Dans ce cadre, l’administration confronte notamment :
les revenus déclarés,
la situation patrimoniale (biens immobiliers, placements, parts de sociétés, etc.),
la trésorerie et les flux financiers (relevés de comptes bancaires, contrats d’assurance-vie, comptes à l’étranger…),
les éléments du train de vie du foyer fiscal (résidence, véhicules, dépenses importantes, niveau de consommation, etc.).
L’ESFP vise ainsi à apprécier la cohérence globale entre ce qui est déclaré et la réalité financière et patrimoniale du foyer, en intégrant également les revenus professionnels (dirigeants, professions libérales, exploitants individuels).
Elle ne constitue pas une vérification de comptabilité.
L’ESFP peut en outre être engagée à l’égard de contribuables se déclarant non-résidents fiscaux en France, dès lors qu’ils restent soumis à des obligations déclaratives (en particulier pour des revenus de source française) et que l’administration entend vérifier leur domicile fiscal effectif ainsi que l’éventuelle existence de revenus imposables en France. Cette faculté a été validée par la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel.
2. Mise en œuvre de l’ESFP :
insuffisance des seules données comptables pour déterminer les revenus réels d’un exploitant individuel ou d’un dirigeant,
L’ESFP débute par l’envoi d’un avis d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle. Cet avis doit notamment préciser :
les années soumises au contrôle,
la mention expresse de la faculté de se faire assister par un conseil,
la remise ou la mise à disposition de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié, document opposable à l’administration (art. L. 10, al. 4 et L. 47 LPF).
Le défaut d’information du contribuable sur son droit à être assisté par le conseil de son choix est gravement sanctionné : cette omission est de nature à entacher l’ensemble de la procédure d’irrégularité.
3. Durée légale de l’ESFP et prorogations possibles
En principe, la durée de l’ESFP est limitée à un an à compter de la date de réception de l’avis par le contribuable (art. L. 12 LPF).
La loi prévoit cependant des hypothèses de prolongation, permettant de porter la durée à deux ans, notamment :
en cas de découverte d’une activité occulte,
en cas de mise en œuvre des articles L. 82 C ou L. 101 LPF (communication de pièces par l’autorité judiciaire ou par d’autres services publics).
Par ailleurs, certains délais peuvent conduire à une prorogation de fait, par exemple lorsque le contribuable n’adresse pas ses relevés de comptes dans le délai de 60 jours et que l’administration doit les solliciter directement auprès des établissements bancaires. La jurisprudence admet que le délai nécessaire à l’obtention de ces relevés ne s’impute pas sur la durée maximale de l’examen.
4. Le débat oral et contradictoire : une garantie essentielle
Par nature, l’ESFP repose sur un caractère contradictoire. L’administration est tenue d’instaurer un dialogue réel avec le contribuable avant toute notification de rectifications.
Ce débat oral et contradictoire suppose notamment :
des échanges avec le vérificateur portant sur les flux bancaires, les opérations patrimoniales et les éléments de train de vie ;
la possibilité, pour le contribuable, de fournir des explications et pièces justificatives (prêts familiaux, mouvements internes de trésorerie, opérations exceptionnelles, etc.) ;
l’obligation pour le service de prendre en compte ces observations et de les restituer dans la proposition de rectification.
5. Les principales garanties et droits du contribuable pendant l’ESFP
Tout au long de l’ESFP, le contribuable dispose de droits et garanties issus de la loi, de la Charte et de la jurisprudence. Parmi les plus importants :
5.1. Avis préalable et information complète
Envoi d’un avis d’ESFP avant tout début de contrôle sur place.
Remise ou mise à disposition de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié (art. L. 10, al. 4 et L. 47 LPF).
5.2. Assistance par un conseil
Droit de se faire assister, dès le premier entretien, par le conseil de son choix (avocat, expert-comptable, etc.) (art. L. 47, al. 2 LPF).
Mention obligatoire de cette faculté dans l’avis, à peine de nullité de la procédure.
5.3. Débat contradictoire avec le vérificateur
Droit à un débat oral et contradictoire sur les éléments retenus.
Possibilité de répondre aux demandes d’éclaircissements et de justifications en produisant des éléments comptables, bancaires, patrimoniaux ou juridiques.
5.4. Information sur les résultats du contrôle
À l’issue de l’ESFP, l’administration doit informer le contribuable des résultats du contrôle, y compris en l’absence de rectification (art. L. 49 LPF).
Si des redressements sont envisagés, la proposition de rectification doit préciser la nature, le montant, les motifs ainsi que les conséquences financières des rectifications (art. L. 48 LPF).
6. Recours hiérarchiques : champ et limites en cas de taxation d’office
En règle générale, la garantie des recours hiérarchiques profite aux contribuables soumis à une procédure d’imposition contradictoire.
Lorsque le contribuable est taxé d’office (par exemple en cas d’absence de réponse à une mise en demeure), il ne peut, en principe, pas se prévaloir utilement du défaut de mise en œuvre de ces recours, sauf exception.
En matière d’ESFP, une nuance importante doit toutefois être soulignée :
en cas de taxation d’office consécutive à l’absence de réponse à une demande d’éclaircissements ou de justifications (notamment sur le fondement de l’article L. 16 LPF), le Conseil d’État a admis la possibilité pour le contribuable de saisir le supérieur hiérarchique avant la saisine éventuelle de la commission compétente, ce qui constitue une garantie supplémentaire.
être engagée à la suite d’un contrôle sur pièces, lorsque les éléments transmis ne permettent pas d’expliquer certains flux ou certains écarts ;
intervenir en complément d’une vérification de comptabilité, notamment pour appréhender la situation personnelle d’un exploitant individuel ou d’un dirigeant dont les revenus professionnels sont étroitement imbriqués avec son patrimoine.
L’ESFP demeure cependant distincte de la vérification de comptabilité :
7. Fin du contrôle, rectifications et voies de recours
7.1. Clôture de l’ESFP
L’ESFP se termine :
soit par un avis d’absence de rectifications, lorsque l’administration estime la situation régulière ;
soit par une proposition de rectification, détaillant les redressements envisagés, les années concernées et les éventuelles pénalités.
Dans tous les cas, l’administration doit porter à la connaissance du contribuable les résultats de l’examen (art. L. 49 LPF).
7.2. Voies de recours
En cas de désaccord avec les impositions supplémentaires mises à sa charge, le contribuable doit déposer une réclamation contentieuse (art. L. 190 et R*. 190-1 LPF) avant de pouvoir saisir le juge de l’impôt.
Les règles relatives à la charge de la preuve diffèrent selon que l’imposition résulte d’une procédure contradictoire ou d’une taxation d’office (par exemple à la suite d’un défaut de réponse aux demandes de justifications à l’issue de l’ESFP).
L’assistance d’un avocat fiscaliste permet notamment de :
vérifier la régularité de la procédure (délais, respect des garanties, motivation, recours hiérarchiques),
contester les fondements juridiques et factuels des redressements,
envisager, lorsque cela est opportun, une transaction ou une réduction des pénalités.