Vérification de comptabilité : le rôle primordial de l'avis de vérification
1) Objet et cadre légal de l’avis de vérification
La vérification de comptabilité ne peut débuter que si le contribuable a été préalablement informé par l’Administration, au moyen d’un avis de vérification.
Cet avis doit notamment :
préciser les années ou exercices concernés,
mentionner, à peine de nullité de la procédure, la faculté pour le contribuable de se faire assister par le conseil de son choix (art. L 47 du LPF).
L’avis de vérification s’inscrit dans l’ensemble des garanties communes du contrôle fiscal, issues des articles L 47, L 48, L 49, L 51, L 57 A, L 80 A et L 80 B du LPF. Ces textes forment le socle minimal de protection du contribuable, quel que soit le type de contrôle (vérification de comptabilité, ESFP, etc.).
L’Administration doit informer le contribuable « en temps utile » afin de lui permettre, s’il le souhaite, de recourir à un conseil. La jurisprudence exige un délai d’au moins deux jours pleins entre la réception de l’avis et le début effectif des opérations de contrôle, en excluant les samedis, dimanches et jours fériés (CE, 14 mars 1990, n° 65110 ; CE, 2 oct. 2002, n° 228436).
2) Mentions et contenu de l’avis de vérification
a) Mentions obligatoires (à peine de nullité)
Pour être régulier, l’avis de vérification doit comporter au minimum :
La désignation des années ou exercices vérifiés,
La mention expresse de la faculté pour le contribuable de se faire assister par un conseil de son choix pendant toute la durée du contrôle (art. L 47 LPF),
La référence à la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié :
l’avis doit préciser que la Charte est consultable en ligne ou obtenue sur simple demande,
en cas de contrôle inopiné, la Charte doit être remise sur place (art. L 47, al. 3 LPF).
b) Mentions facultatives
À l’inverse, l’indication dans l’avis de la nature des impôts contrôlés n’est pas exigée à peine de nullité. L’absence de cette mention n’affecte donc pas, à elle seule, la régularité de la procédure (CAA Bordeaux, 2 févr. 2006, n° 02429).
3) Modalités d’envoi et de remise de l’avis
L’avis de vérification peut être :
adressé en recommandé avec accusé de réception,
ou remis en main propre au contribuable, cette seconde modalité étant expressément admise par le Conseil d’État (CE, 3 nov. 1989, n° 55056).
Il appartient à l’Administration de prouver que le contribuable a bien été informé de la possibilité de se faire assister d’un conseil. À cette fin, la preuve de l’acheminement ou de la mise en instance d’un pli recommandé peut suffire (CE, 18 févr. 1985, n° 39467).
En revanche, en l’absence de preuve d’une notification régulière (par exemple avis de réception non signé), la vérification est irrégulière et la procédure peut être annulée (CE, 17 juin 1988, n° 50472 – jurisprudence ancienne mais toujours citée).
L’utilisation d’un modèle d’avis périmé n’entache pas la procédure si la mention relative à la faculté d’être assisté par un conseil y figure clairement (CE, 14 oct. 1970, n° 77231).
4) Délai avant le début des opérations et contrôles inopinés
a) Délai minimal
Le Conseil d’État impose un délai minimal de deux jours pleins entre la date de réception de l’avis et le début des opérations sur place. Les samedis, dimanches et jours fériés ne sont pas comptés dans ce délai (CE, 14 mars 1990, n° 65110 ; CE, 2 oct. 2002, n° 228436).
b) Contrôle inopiné
En cas de contrôle inopiné, l’avis de vérification est remis au début des constatations matérielles (inventaire des stocks, constat de l’existence et de l’état des documents comptables, etc.). L’Administration ne peut pas, à ce stade, procéder à un examen de fond des documents.
L’article L 47, dernier alinéa, impose ensuite de respecter un délai raisonnable avant d’entamer l’examen de fond, permettant au contribuable de se faire assister d’un conseil. La pratique retient, par cohérence avec la jurisprudence précitée, un délai d’au moins deux jours pleins.
Lorsque, lors d’un contrôle inopiné, aucun avis n’est remis au début des constatations matérielles, la procédure est affectée d’un vice substantiel et la vérification est irrégulière (TA Lyon, 1er févr. 2011, n° 0706062).
5) Cas particuliers liés aux comptabilités informatisées
En présence d’une comptabilité informatisée, l’Administration peut, lors d’un contrôle inopiné, exiger la réalisation d’une sauvegarde des données à la date du contrôle, afin de prévenir toute altération ultérieure. À ce stade, aucun traitement ne doit être effectué sur ces données : il s’agit uniquement de figer l’état de la comptabilité (CE, 23 nov. 2020, n° 427689, SARL Belart).
L’article L 47 A, III du LPF autorise l’Administration à prendre copie des fichiers lors de ces opérations afin d’éviter toute disparition ou modification des données. Là encore, la distinction doit être faite entre la phase de constatation/sauvegarde et la phase d’exploitation au fond.
6) Destinataire de l’avis selon la forme juridique
a) Sociétés civiles (régime des sociétés de personnes)
Pour les sociétés civiles relevant du régime des sociétés de personnes, l’avis est régulièrement adressé à la société elle-même, soit sous sa propre dénomination, soit au nom de son dirigeant. Il n’est pas nécessaire de notifier individuellement l’avis à chacun des associés (CE, 8 déc. 1986, n° 48789).
b) Groupes de sociétés
Dans les groupes de sociétés, chaque entité soumise à vérification doit recevoir, le cas échéant, son propre avis de vérification. Les garanties issues de l’article L 47 LPF (et plus largement des garanties communes) s’apprécient société par société, et non globalement au niveau du groupe.
7) Effets de l’irrégularité de l’avis de vérification
a) Procédure contradictoire
Lorsque les rehaussements sont établis selon la procédure de rectification contradictoire (art. L 55 LPF), toute irrégularité affectant l’avis de vérification (contenu ou notification) est susceptible d’emporter la nullité des impositions supplémentaires et des actes subséquents, y compris la proposition de rectification et son effet interruptif de prescription.
L’irrégularité d’une vérification pour une période déterminée peut également contaminer des rehaussements relatifs à une période ultérieure, établis par simple contrôle sur pièces, dès lors qu’ils procèdent des constatations tirées de la vérification irrégulière (CE, 11 déc. 2009, n° 332058, Min. c/ Cento).
b) Impositions d’office
En revanche, lorsque les impositions sont établies d’office et ne résultent pas d’une vérification de comptabilité (ou ne procèdent pas des mêmes constatations), l’irrégularité de l’avis ou de la vérification est, en principe, sans incidence sur la validité de ces impositions. Il convient toutefois d’être attentif à l’origine précise des éléments utilisés par l’Administration.
8) Preuves et bonnes pratiques côté contribuable
Du point de vue du contribuable, plusieurs réflexes pratiques sont essentiels :
Conserver l’avis de vérification et son enveloppe, afin de pouvoir établir la date de première présentation du pli et donc calculer le délai minimal avant la première intervention sur place.
Vérifier immédiatement :
la précision des années ou exercices vérifiés,
la présence de la mention écrite du droit à l’assistance d’un conseil,
la référence à la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié et les modalités d’obtention,
en cas d’extension à l’exercice en cours, la répétition expresse de la mention relative à l’assistance d’un conseil.
En cas de contrôle inopiné :
exiger la remise immédiate de l’avis de vérification au début des constatations matérielles ;
veiller au respect d’un délai raisonnable avant tout examen au fond des pièces comptables ;
consigner, si nécessaire, par écrit la chronologie précise des opérations.