Guide fiscal – L’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP)
Par Nathalie Aflalo, Avocat fiscaliste – Paris 8e
1. Notion, fondement légal et finalité de l’ESFP
L’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle constitue un contrôle fiscal externe exclusivement applicable aux personnes physiques. Prévu par l’article L. 12 du Livre des procédures fiscales, il a pour objet d’apprécier la sincérité et l’exactitude de la déclaration globale des revenus soumise à l’impôt sur le revenu.
Cet examen porte sur la cohérence entre les revenus déclarés et l’ensemble de la situation financière du contribuable : patrimoine, flux de trésorerie, train de vie et opérations susceptibles de révéler une capacité contributive non déclarée.
L’ESFP peut être engagé isolément, à la suite d’un contrôle sur pièces, ou intervenir en complément d’une vérification de comptabilité pour analyser la situation personnelle d’un exploitant, dirigeant ou associé.
Sa vocation est d’apprécier la concordance globale entre la situation économique réelle du foyer fiscal et les revenus portés à la connaissance de l’administration.
2. Personnes visées : résidents et non-résidents
L’ESFP peut concerner toute personne physique, qu’elle ait ou non son domicile fiscal en France, dès lors qu’elle relève potentiellement de l’impôt sur le revenu.
La jurisprudence admet que l’administration peut recourir à cet examen pour déterminer la domiciliation fiscale ou l’existence de revenus imposables en France, sans exigence préalable de preuve d’assujettissement. Ainsi, même un contribuable se déclarant non-résident peut être soumis à des demandes de justifications sur ses avoirs ou revenus étrangers.
L’ESFP inclut l’ensemble des diligences nécessaires pour recueillir les informations utiles, qu’elles proviennent du contribuable ou de tiers, sous réserve du respect du droit de communication, juridiquement distinct et non soumis à l’obligation d’avis préalable.
3. Cadre légal et garanties essentielles
La procédure d’ESFP est strictement encadrée. Toute violation des garanties accordées au contribuable est de nature à entraîner l’irrégularité du contrôle.
Parmi ces garanties figurent :
– la notification préalable de l’avis et la remise de la charte des droits et obligations ;
– l’obligation d’informer le contribuable des conséquences financières des rectifications envisagées ;
– la communication des résultats du contrôle, même en l’absence de rehaussement ;
– la possibilité d’exercer des recours hiérarchiques.
L’ESFP bénéficie en outre de garanties spécifiques : limitation de la durée d’intervention, limitation du droit de reprise et respect du secret professionnel du vérificateur.
4. Déroulement de l’ESFP : méthodologie et interactions
4.1. Phase préparatoire
Le service vérificateur procède à une analyse complète du dossier : examen des déclarations souscrites, reconstitution du patrimoine, pointage des variations de trésorerie, analyse du train de vie et comparaison des flux financiers avec les revenus déclarés.
Ce travail aboutit à l’établissement d’une balance de trésorerie ou d’enrichissement.
4.2. Phase contradictoire
L’avis d’ESFP ouvre le dialogue avec le contribuable. Le vérificateur peut solliciter des relevés de comptes ou organiser des entretiens destinés à recueillir les explications utiles.
Les demandes peuvent prendre la forme de simples courriers ou, en cas de besoin, de demandes d’éclaircissements ou de justifications fondées sur l’article L. 16 du LPF.
4.3. Lieu de contrôle et étendue des investigations
Les entretiens se tiennent en principe dans les locaux de l’administration, mais le contribuable peut solliciter un autre lieu.
L’administration est en droit d’examiner tous les comptes bancaires sur lesquels des fonds ont transité, y compris ceux bénéficiant d’une procuration.
4.4. La balance de trésorerie : instrument central
Cette balance met en exergue les éventuels excédents de dépenses par rapport aux ressources déclarées.
Un écart inexpliqué peut conduire à l’appréhension de sommes comme revenus imposables, après mise en œuvre du dispositif contradictoire.
5. Pouvoirs d’investigation : articles L. 16, L. 16 A et L. 69
L’ESFP repose sur l’enchaînement de trois outils essentiels :
– L. 16 : demandes d’éclaircissements ;
– L. 16 A : demandes de justifications ;
– L. 69 : taxation d’office en l’absence de réponse satisfaisante.
Ces mécanismes permettent de taxer les sommes non justifiées figurant en balance de trésorerie ou sur les comptes bancaires.
6. Durée de l’examen et prorogations
La procédure est strictement limitée à un an entre la réception de l’avis d’ESFP et l’envoi de la proposition de rectification.
Ce délai peut être porté à deux ans en cas de découverte d’une activité occulte ou lorsque l’administration recourt à certaines procédures de communication dans le délai initial.
7. Garanties procédurales détaillées
Le contribuable doit recevoir l’avis de vérification, la charte, l’information des rectifications et les résultats du contrôle.
L’absence de rectification doit faire l’objet d’une notification explicite.
Toute atteinte à ces garanties peut vicier la procédure.
8. Domiciliation fiscale, non-résidents et charge de la preuve
L’ESFP sert fréquemment à démontrer la domiciliation fiscale en France.
Les éléments retenus doivent être soumis au débat contradictoire.
Le contrôle peut être engagé même en l’absence de déclaration, y compris pour un contribuable se prétendant non-résident, et peut porter sur les avoirs détenus à l’étranger.
9. Activités occultes révélées au cours de l’ESFP
La découverte d’une activité occulte au cours de l’examen permet d’engager les rectifications sans ouvrir une vérification de comptabilité supplémentaire.
La jurisprudence confirme que l’avis d’ESFP garantit les droits de la défense pour les rehaussements afférents.
10. Articulation avec la vérification de comptabilité
L’ESFP peut compléter un contrôle comptable, notamment pour analyser la situation patrimoniale d’un dirigeant ou d’un associé.
Les informations recueillies dans un cadre peuvent être utilisées dans l’autre, sous réserve du respect des garanties procédurales.
11. Suites du contrôle : rectifications et contentieux
En cas de rehaussement, l’administration doit exposer précisément la nature, le montant et le motif des rectifications.
Les règles applicables à la procédure contradictoire ou à la taxation d’office doivent être strictement respectées.
12. Risques pénaux
Selon les montants et les pénalités applicables, le contrôle fiscal peut entraîner une dénonciation obligatoire au parquet dans le cadre du dispositif dit du « verrou de Bercy ».
L’ESFP régulièrement engagé suffit à garantir les droits de la défense lorsque des infractions sont révélées.
13. Recommandations pratiques
– Vérifier systématiquement la régularité des avis et la remise de la charte.
– Structurer les justificatifs des mouvements bancaires et des apports.
– Recenser l’ensemble des comptes, y compris étrangers ou détenus par procuration.
– Répondre précisément et dans les délais aux demandes formulées au titre des articles L. 16 et L. 16 A.
– Documenter rigoureusement les éléments permettant de démontrer la non-résidence ou l’absence de revenus français.
– Contrôler attentivement le respect du délai d’un an pour éviter une prorogation irrégulière.
Notre cabinet accompagne les contribuables à chaque étape de l’ESFP, depuis l’analyse de la régularité du contrôle jusqu’à la préparation des réponses, la gestion des échanges avec l’administration et la défense en cas de contentieux.
Nous intervenons avec exigence et précision afin de sécuriser la procédure et de défendre au mieux vos intérêts.
FAQ – Examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP)
Cabinet de Maître Nathalie Aflalo – Avocat fiscaliste à Paris
1 -Qu’est-ce qu’un ESFP ?
L’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle est un contrôle fiscal visant à vérifier la cohérence entre les revenus déclarés et la situation financière réelle du contribuable (patrimoine, flux bancaires, opérations significatives). Il s’agit d’un contrôle externe applicable aux personnes physiques.
2 - Qui peut être contrôlé dans le cadre d’un ESFP ?
Toute personne physique, résidente ou non-résidente, peut être soumise à un ESFP dès lors qu’elle est susceptible d’être imposable en France.
L’administration peut engager ce contrôle même en cas d’incertitude sur la domiciliation fiscale.
3 - L’ESFP peut-il servir à déterminer la domiciliation fiscale ?
Oui. L’administration peut utiliser l’ESFP pour établir la domiciliation fiscale en France ou identifier des revenus de source française, y compris lorsque le contribuable prétend être non-résident.
4 - Comment se déroule concrètement un ESFP ?
Le contrôle comporte deux étapes :
– une phase préparatoire, durant laquelle l’administration reconstitue la situation patrimoniale et financière du contribuable ;
– une phase contradictoire, au cours de laquelle le contribuable est invité à fournir les explications et justificatifs nécessaires.
5 - Quels documents peuvent être demandés ?
L’administration peut solliciter :
– les relevés de tous les comptes bancaires (en France ou à l’étranger),
– les justificatifs des apports, prêts, donations, dépenses significatives,
– les documents relatifs aux acquisitions immobilières et placements,
– les pièces permettant de justifier la domiciliation fiscale.
Les comptes sur lesquels le contribuable dispose d’une procuration peuvent également être concernés.
6 - Qu’est-ce qu’une balance de trésorerie ?
Il s’agit d’un outil d’analyse comparant les ressources perçues et les dépenses effectuées.
Un excédent de dépenses non expliqué peut être considéré comme un revenu imposable non déclaré.
7 - Que se passe-t-il si le contribuable ne répond pas aux demandes ?
En l’absence de réponse ou en cas de réponse insuffisante, l’administration peut appliquer la taxation d’office (article L. 69 du LPF). Les sommes non justifiées sont alors ajoutées au revenu global.
8 - Quelle est la durée maximale d’un ESFP ?
La procédure est limitée à un an à compter de la réception de l’avis d’ESFP.
Cette durée peut être prolongée à deux ans en cas de découverte d’une activité occulte ou de recours à certaines procédures de communication.
9 - L’administration doit-elle informer des résultats du contrôle ?
Oui. L’administration est tenue de notifier les résultats du contrôle, même lorsqu’aucune rectification n’est retenue. Cette information constitue une garantie procédurale essentielle.
10 - Un ESFP peut-il avoir des conséquences pénales ?
Oui. Lorsque le contrôle met en évidence des éléments constitutifs d’une fraude fiscale, le dossier peut être transmis au procureur de la République selon les règles en vigueur, notamment en présence de pénalités de 100 %, 80 % ou, sous conditions, 40 %.
11 - L’ESFP peut-il être mené en parallèle d’une vérification de comptabilité ?
Oui. Il peut compléter une vérification de comptabilité, notamment pour apprécier la situation personnelle d’un dirigeant ou d’un associé.
Les informations recueillies dans l’un ou l’autre cadre peuvent être utilisées, sous réserve des garanties applicables.